vendredi 20 février 2009

Grèv an péyi la !

La Guadeloupe est paralysée depuis maintenant cinq semaines. Cette situation était pourtant prévisible, puisqu’en décembre l’île avait été bloquée durant trois jours par les sociétés de transport pour dénoncer les prix des carburants jugés trop élevés. Une journée de grève, organisée mi-décembre par l’UGTG (Union Générale des Travailleurs de Guadeloupe) était pourtant passée quasiment inaperçue quelques jours après ce blocage. Ils avaient lors d’une manifestation lancé un ultimatum au 20 janvier sur des revendications très précises et audacieuses. Un collectif réunissant une cinquantaine de syndicats et d’associations piloté par l’UGTG a été constitué pour dénoncer les problèmes de « vie chère » qui concerne la Guadeloupe comme tous les départements d’outre-mer. Un mouvement de mobilisation exceptionnellement bien suivi à donc débuté avec la grève générale lancée le 20 janvier. Tous les secteurs d’activité, public comme privé sont concernés. Les écoles, collèges et lycées ont d’abord fonctionnés au ralenti avant de fermer à partir du 20-21 janvier, les stations-service ne délivrent plus de carburant, les hypermarchés et grandes surfaces sont contraints de baisser leurs rideaux sous la pression des syndicats et des manifestants. Les difficultés pour répondre aux besoins quotidiens sont nombreuses : les commerces encore ouverts sont peu nombreux et ne disposent plus de produits frais, les boulangeries sont prises d’assaut avec des files d’attentes interminables. Le principal obstacle pour une population bien préparée à ce contexte de crise sociale, concerne les déplacements. Les réservoirs se sont progressivement vidés depuis le début du conflit et les ravitaillements sont impossibles ou inaccessibles : en effet seuls les véhicules prioritaires étroitement sélectionnés peuvent obtenir le précieux fluide qui permet aux personnels non grévistes de rejoindre leur lieu de travail.
Si une accalmie est apparue dans la première semaine du mois de février avec l’ouverture de près de la moitié des stations services de l’île, le retour à la paralysie générale n’a pas tardé. En effet depuis dimanche 15 février tout est de nouveau fermé. Les magasins sont ouverts par intermittence avec des rayons souvent vides et des produits frais rares et donc très convoités.

Ce type de conflit social explosif ne se produit pas régulièrement comme certains préjugés tendent à l’affirmer. Ce mouvement initié par le LKP « Lyannaj Kont Pwofitasyon » (collectif dénonçant l’exploitation des travailleurs guadeloupéens) est indubitablement un événement exceptionnel aux Antilles tant du point de vue de la durée que de l’intensité de la mobilisation. Ce combat syndical et associatif a été lancé pour dénoncer et tenter de mettre fin à une crise sociale évidente et particulièrement aigüe en Guadeloupe qui arrive en tête avec la Guyane et la Martinique au palmarès des régions les plus touchées par le chômage dans l’Union Européenne. La plateforme des revendications formulées par le collectif comporte plus de 130 points qui tendent à démontrer que certains surcoûts que doivent supporter le consommateur guadeloupéen sont tout simplement injustifiés voire inexplicables. Cette dénonciation musclée d’un certain nombre d’abus de la part des quelques « grands » patrons qui se partagent le marché antillais semble parfois dévier vers le procès d’un Etat jugé absent et dont le silence sur la situation en Guadeloupe durant les deux premières semaines du conflit a été ressenti par beaucoup comme une attitude méprisante de la part de Paris. Un autre élément intervient aussi dans ce climat social très tendu : le recours à l’histoire ou parfois plutôt à la mémoire pour expliquer la situation actuelle. Les références au passé sont nombreuses. Les comparaisons prennent parfois sens comme lorsque les patrons « békés » sont montrés du doigt car ils concentrent dans leurs mains une grande partie du pouvoir économique en Martinique et une part non négligeable du marché guadeloupéen. Ainsi les logiques raciales qui ont eu longtemps cours dans les sociétés antillaises ne semblent pas avoir totalement disparu. Pire, il apparaît que la pigmentation de la peau influe encore, voire définit une position ou une fonction dans la société. En clair, plus la teinte d’une peau est foncée moins grandes sont les chances d’ascension sociale. Cette logique proprement scandaleuse et d’un temps révolu semble perdurer ici aux Antilles. En effet cela peut se vérifier car bon nombre de professions peu valorisantes et sous-payées sont exercées par des « neg-neg » c'est-à-dire des personnes à la carnation bien foncée. A l’inverse, ceux qui représentent « l’élite » de la société guadeloupéenne comme le dirigeant du medef local ont bien souvent la peau claire. Il n’est donc pas surprenant de voir fleurir des slogans comme ce chant qui prend les formes d’un hymne patriotique "La Gwadloup sé ta nou. La Gwadloup sé pa ta yo ! Yo pé ké fé sa yo lé adan peyi an nou »!" qui signifie "La Guadeloupe nous appartient, elle ne leur appartient pas, ils ne feront pas ce qu'ils veulent dans notre pays". La question évidente qui se pose alors est : que veut dire « nous » ? Guadeloupéens, Noirs ? (Les deux termes n’étant évidemment pas synonymes) et qui est désigné par cette troisième personne du pluriel ? (Cela concerne-t-il simplement les profiteurs ou alors les blanc-pays, les « Français », les métropolitains ou plus généralement les blancs ?). Si la réponse n’est pas forcément évidente, l’intention des manifestants ne laisse que peu de place à l’interprétation « nou ké fouté yo dewo ».

Ce langage peut paraître âpre si on le compare à la plateforme de revendications qui ne présente pas un ton nationaliste ou indépendantiste mise à part la volonté de favoriser l’emploi de travailleurs guadeloupéens. Le contenu des 130 ou 140 points de cette plateforme est uniquement social. Il s’agit de requêtes ou de dénonciations de certains abus ou manquements s’adressant au patronat, aux élus locaux et à l’Etat. Ainsi des positions de monopole (comme Carrefour dont les deux magasins sont la propriété de Bernard Hayot , Béké martiniquais et cent-dix-neuvième fortune de française ou encore Total qui dispose de plus de la moitié des stations de l’île et possède des parts dans la Sara, société de raffinerie et distributeur sur les Antilles.) ou des problèmes de surprofits (comme les frais bancaires pratiqués par la BNP qui fait payer ses services annuels de base 240 euros à un Guadeloupéen contre 45 euros à un Parisien ou encore les marges gargantuesques de la grande distribution sur de nombreux produits, comme le prix de la banane supérieur de 40 % à celui pratiqué en métropole alors qu’elle est produite localement !) sont mis en exergue.
Les négociations réunissant les élus locaux, le préfet représentant l’Etat, les « socio-professionnels » (=les patrons et acteurs de la vie économique) et le collectif ont été organisées selon les modalités exigées par le LKP, c'est-à-dire dans le cadre d’une réunion commune et retransmise en direct à la télévision. Cette forme de discussion ne convenait uniquement qu’au LKP. Cela a entraîné l’arrêt des négociations au bout de trois jours suite au départ du préfet décidé par Yves Jégo, secrétaire d’Etat à l’outre-mer. Les pourparlers n’ont véritablement repris qu’une semaine plus tard avec l’arrivée de Jégo mais ont une nouvelle fois été interrompus en raison de la volte-face du secrétaire d’Etat qui s’était avancé sur la question cruciale des 200 euros d’augmentation de salaire exigés pour les minimas sociaux et les bas revenus. Un préaccord semblait sur le point d’être conclu mais le locataire de la rue Oudinot fut rappelé à Paris et finalement désavoué par Fillon et Sarkozy. Il apparaît que le simple secrétaire d’Etat aurait donc donné l’aval de l’Etat sur cette proposition d’une augmentation des salaires partiellement prise en charge par l’Etat entraînant par voie de conséquence son application aux autres DOM voire même à l’ensemble de la métropole. Cette solution eut été difficilement tenable en raison de l’état des finances publiques mais aussi car elle est largement contraire aux orientations du chef de l’Etat et de son premier ministre. Ainsi, le LKP a toujours mis en avant cette revendication des 200 euros qui est un véritable point bloquant de ces négociations puisque les 130 autres requêtes auraient trouvé une réponse de la part des différentes parties du débat. On peut donc s’interroger sur la stratégie du collectif. S’agit-il d’une mesure centrale à leurs yeux qui ne peut rester sans réponse ? Ou alors est-ce un stratagème employé afin de faire durer les négociations et le mouvement de mobilisation pour provoquer une lassitude qui conduit naturellement au pourrissement de la situation et servir enfin des intérêts autonomistes ou indépendantistes dissimulés ?
La question reste pour l’instant en suspend. Toutefois, la dégradation de l’ambiance, la multiplication des violences, des destructions et des pillages confirment le changement de ton donné au mouvement de mobilisation qui avait été parfaitement maîtrisé durant plus de trois semaines avec des manifestations réunissant plus d’un dixième de la population sans aucun débordement.
Cette ambivalence du mouvement de mobilisation se retrouve également dans la personnalité de son leader et porte parole, Elie Domota. Directeur adjoint de l’ANPE de Guadeloupe, ce syndicaliste UGTG est surtout un brillant orateur et un intervenant qui maîtrise parfaitement ses dossiers. D’ailleurs, lors des séances de négociation Domota fut de loin le plus éloquent de l’assemblée. Si ce militant de longue date se montre très convaincant lorsqu’il dénonce des situations qu’il a lui-même contribué à mettre en lumière, il peut également prendre un tout autre visage quand il se met à proférer des menaces de mort ou encore de « guerre civile » si l’un de ses camarades syndicalistes venait à être blessé. De même, quand ce leader devenu seul interlocuteur face à trois parties adverses (patrons, Etat voire les élus locaux à qui on reproche leur impuissance et leur inaction) se montre incapable, volontairement ou non, d’apaiser les jeunes des ghettos qu’il avait pourtant parfaitement manipulés et maîtrisés jusqu’à présent. On assiste effectivement à une montée de la violence depuis le début de la semaine. Sur les routes, de nombreux barrages faits de carcasses de voitures de pierres ou d’arbres arrachés ont été érigés par les militants du LKP mais aussi par des jeunes en marge du mouvement. Il semble qu’il y ait eu des scènes de racket et de caillassage sur ces barrages. Les nuits entre le 16 et le 19 février ont été marquées par des épisodes d’émeutes urbaines qui se déroulent principalement dans l’agglomération de Pointe-à Pitre. Des bandes de jeunes armées de fusils pillent, brûlent de nombreux commerces et n’hésitent pas à ouvrir le feu sur les forces de l’ordre. Comment s’étonner de cette ébullition lorsqu’on connaît la situation sociale des ces jeunes et le manque de perspectives qui s’offre à eux ?

Le conflit n’étant pas arrivé à son épilogue, il est donc difficile d’en tirer un bilan définitif. Cependant, cette crise sociale marquée par une paralysie totale de l’économie laissera évidemment des séquelles qui mettront sans doute plusieurs années à s’effacer, si cela se produit. De nombreuses petites entreprises sont mises en péril, l’activité touristique tourne au ralenti voire disparaît temporairement alors que cette période correspond à la haute-saison, les élèves et étudiants ne reçoivent plus de cours et seront donc grandement pénalisés. Enfin, l’image de cette île des Antilles sera pour longtemps écornée puisque selon les professionnels du tourisme, un mouvement social est bien plus pénalisant qu’un attentat ou une catastrophe naturelle.
De nombreuses questions n’ont pour l’instant pas encore de réponses. S’agit-il d’une révolte ou d’une « révolution » comme certains proches du « rouge et noir » nomment cette période ? Quelles seront les avancées sociales à l’issue de ce mouvement qui a déjà coûté la vie à une personne et entraîné la destruction de nombreux emplois ? Quelle est la profondeur de cette crise qualifiée aussi de « sociétale » ? Quel sera l’avenir institutionnel de la Guadeloupe compte-tenu des fortes rancoeurs post-coloniales qui se sont exprimées et de la nécessité affirmée par de nombreux acteurs du mouvement de relancer le débat statutaire ?

mardi 25 novembre 2008

Le scolopendre du dimanche soir

La vie est ainsi faite...

L'existence humaine est rythmée par des phénomènes récurrents qui constituent ce qu’on nomme « la vie quotidienne ». Or en partant en Guadeloupe, nous pensions nous extraire un peu de cette routine particulièrement prononcée à Paris. Le tryptique classique « métro, boulot, dodo » est derrière nous mais d’autres nouvelles habitudes sont apparues. Certaines ne sont d’ailleurs pas franchement désagréables. Ainsi aller surfer tous les week-ends n’est pas forcément perçu comme une contrainte. A l’inverse, depuis deux semaines, à chaque retour à la kaz nous découvrons un intrépide scolopendre tentant de violer notre espace privé. La semaine dernière cette bête peu séduisante et dangereuse (piqure très forte, comparable à celle d'un scorpion mais très rarement mortelle) s’ était aventurée dans mon évier alors que je faisais la vaisselle. Je vous laisse consulter le message d’Elisabeth (lien en haut à droite) pour connaître le traitement réservé à cette créature inutile. Ce dimanche, le scolo était scotché sur un mur de la terrasse. Avant qu’il nous tombe dessus comme une vermine, je lui ai donc fait gouté copieusement une lotion anti-fourmis ce qui a provoqué sa chute. Je l’ai ensuite découpé en plusieurs morceaux. Mais cette bête est coriace, car très ancienne, elle a réussi à traverser les époques. Le pire, c’est qu’on est obligé de se transformer en véritable bourreau puisque même découpé en plusieurs morceaux, le scolo parvient à se ressouder et à survivre. Que faire sinon l’immoler ?

Tel sera le sort subi pour les prochains intrépides en espérant sortir victorieux de cette lutte dominicale




jeudi 20 novembre 2008

Retour sur une virée en Dominique

Bienvenue en Dominique, Welcome to Dominica !
















En métropole, les vacances de Toussaint étaient souvent synonymes de grisaille et de froid. Cette année, notre programme nous annonçait quelque chose de bien différent. On avait jeté notre dévolu sur la Dominique, île située entre la Guadeloupe et la Martinique, très différente de son homonyme hispanophone des Grandes Antilles. Ce gros bout de terre très montagneux et volcanique, a la réputation d’abriter sur son sol une population accueillante au rythme de vie calqué sur celui de la musique jamaïcaine. Le terme arawak « Xamayca » signifiant « la terre du bois et de l'eau » aurait pu être le nom choisi pour cette île qui compte 365 rivières et qui est recouverte aux trois quarts par la forêt la plus préservée de la Caraïbe.. Les parallèles entre ces deux contrées caribéennes sont nombreux et s’imposeront à nous durant tout notre séjour.





Billets achetés au dernier moment, absence de réservation d’hôtels, nous prenons donc place à bord du cata à moteur qui devait nous emmener en Dominique avec quelques incertitudes. En effet, cette période de l’année est celle du Festival durant lequel une semaine est consacrée à la fête et à la musique. Seulement, le hic, puisqu’il y un a hic, est que ce pays, relativement épargné par le tourisme de masse, ne compte que 700 chambres d’hôtels. Nous n’imaginons pas encore que cet événement attire autant de monde. Les nombreux Dominicais installés dans les Antilles françaises profitent de l’occasion, tout comme les voisins guadeloupéens et martiniquais, pour aller faire un tour sur cette île.



arrivée en Dominique




A l’arrivée, prise d’informations sur des adresses susceptibles de nous accueillir. J’aborde un rasta guadeloupéen qui me ne me rassure pas vraiment quant aux possibilités de trouver une chambre à Roseau, la capitale. Il me propose cependant de le suivre car il est accompagné d’une locale, Norine. Nous montons à bord d’un de ces minis vans, taxi dont le fonctionnement rappelle l’Afrique. Le reggae est au rendez vous, et un bon riddim bien roots se charge de planter l’ambiance musicale des vacances. A notre plus grande surprise, le tacos ne s’arrête pas à Roseau et s’élance sur une route étroite pour gravir une montagne recouverte d’une épaisse forêt.




En route pour Grand bay




voyage en tacos, Dominica


Nous demandons alors la destination. Grand Bay sera donc notre première étape. Nous arrivons dans cette ville ou gros village qui est en réalité un ghetto. La réputation de la ville laisse peu de place au doute : « ici Babylone ne rentre pas ! » nous précisera Ludo, le rasta from Gwada. La première impression évoque ces images de Jamaïque vues au travers des docus sur ce pays. Les kaz en bois sont très nombreuses, les signes de richesse quasi-inexistants et les squats de rastas et de jeunes influencés par le look gangsta se retrouvent devant chaque maison ou presque.

Norine nous a en fait trouvé un « hôtel » ou plutôt une chambre louée par ses voisins. Nous sommes loin de l’ambiance « hôtel de charme » comme en témoigne la vue de notre chambrée.





Quoi que...?

Norine habite l’une des quelques maisons « en dur » de Grand Bay qui impressionne par sa taille comparée aux autres habitations de la ville. La première soirée est très sympa. Nous faisons la connaissance de Slim, le mari de Norine, qui ressemble avec sa tenue des Celtics à un joueur de NBA. La casbah accueille la nièce de Norine accompagnée de sa petite fille et de son copain Ludo, ainsi qu’un jeune Guadeloupéen au style wesh très affirmé.

L’ambiance est détendue même si la communication n’est pas toujours évidente. En effet, Norine parle le patois dominicais, langue très proche de celle parlée en Jamaïque mais pratique également le créole guadeloupéen. Seulement, notre hôte est convaincue que nous maîtrisons mieux le créole que l’anglais. Grossière erreur qui va nous permettre quand même de découvrir un peu cette langue de la Gwada que nous n’avons pas souvent l’occasion de pratiquer au quotidien. Grand Bay est la ville la plus créolophone de l’île. Les traductions de Ludo et de sa copine nous sont parfois d’un précieux secours.


Le lendemain, nous découvrons la capitale, ville très modeste dont le toponyme est français.


Roseau:







Lorsque les croisiéristes débarquent (seulement pour quelques heures) leur bateau devient temporairement le "le toît de la ville"




Nous réglons les petites affaires du voyageur qui débarque et nous retournons dans notre ghetto pour tenter de le découvrir un peu plus. Nous nous rendons au bord de mer, où la plage de galets est peu accueillante mais avec une vue splendide sur la Martinique.




Soleil couchant sur Grand Bay





Le bilan de la journée est donc maigre au niveau des découvertes touristiques mais nous avons trouvé le rythme pour notre séjour ici : « cool down and take it easy… ».


tilidom.com



tilidom.com






Les jours suivants, nous tentons de nous activer un peu plus afin de découvrir quelques sites naturels assez remarquables comme le Boiling lake (le plus grand lac volcanique au monde) ainsi que quelques chutes d’eau impressionnantes. Le constat d’échec est implacable : à chaque fois nos tentatives ne se concrétisent pas totalement. C’est le cas de l’expédition pour les Victoria Falls, situées à une trentaine de bornes de Grand Bay. La route est bien moins large que celle allant à Roseau et la grimpette bien plus longue. Heureusement, le zouk est absent des tacos et le reggae règne en maître. Nous débarquons sur le site et nous tentons de remonter la rivière pour nous rendre aux chutes. Le parcours a très rapidement raison de notre volonté car les traversées de rivière sont nombreuses et la journée est déjà bien avancée. Seule issue, aller squatter avec des rastas qui ont un campement au bord de l’eau. Nous faisons la connaissance d’un français, prof de math sur Paris. Peu étonnant de croiser ici un fonctionnaire qui par la force des choses se retrouve très régulièrement en vacances. Ce qui l’est plus, c’est que le gars en question campe ici depuis plus de deux semaines. Il est en fait remplaçant, sans poste et ne se prive pas pour occuper son temps en décidant de venir se poser ici, en plein zion. Le retour sur Grand Bay nous préoccupe. Nous n’avons pas croisé beaucoup de véhicules à l’aller. On se dirige donc vers la route un peu avant la tombée de la nuit pour guetter l’hypothétique passage d’un taxi. De longues minutes s’écoulent sans que le calme de ce petit village soit troublé par le bruit d’un quelconque moteur. Le doute commence à s’installer dans nos têtes et l’idée de dormir chez les rastas sans tente ne permet pas de se rassurer. Soudain, un mini-van débarque de nulle part. Nous pensons avoir chopé l’unique taxi de l’après –midi. Lorsque nous ouvrons la portière, nous constatons que l’ambiance est un peu particulière. Le chauffeur, est accompagnée de deux filles très apprêtées. Un détail attire notre attention : le gars est en train de s’enquiller des bières au volant. Voila de quoi nous mettre en confiance pour affronter les nombreux virages non protégés qui nous séparent de Grand Bay. Le doute surgit alors rapidement dans nos esprits. Que faire ? Renoncer à rentrer avec une nuit bien roots près de la rivière comme perspective ou tenter le challenge en espérant que la musique et la tise ne déconcentrent pas trop notre conducteur. Finalement, nous avons fait le bon choix puisque je peux vous écrire ces quelques lignes. Le trajet fut cependant haut en couleur, avec notamment la scène du portable. L’une des filles a passé une bonne dizaine de minutes à appeler une amie, sans doute à l’étranger, pour qu’elle lui choisisse un modèle de chaussures bien précis. Caprices d’une pauvre starlette ? Nous ne le saurons pas mais en tout cas ce dialogue était tout à fait surréaliste sur cette route qui traverse des paysages sauvages magnifiques.




Cette fameuse route si peu fréquentée...

En rentrant, après s’être posé quelques temps chez Norine, nous tentons une virée nocturne dans le ghetto afin de trouver la maigre pitance qui apaisera notre faim bien prononcée. Après avoir arpenté l’unique rue de Grand Bay, il faut se rendre à l’évidence : nous devrons nous contenter de deux maigres bokits (sandwich au pain frit) qui avaient perdu de leur fraîcheur. Nous avons donc fait demi-tour et dû subir une nouvelle fois les regards attentifs des rudes boys de Grand Bay ainsi que leurs remarques flattant vulgairement le physique d’Elisabeth. Il faut dire que les « blanches » comme certains nous appelaient ne passent pas fréquemment dans le ghetto et y séjournent encore moins. Je mesure donc l’étonnement de ces « teneurs de murs » en nous voyant tous les jours déambuler sur leurs terres.



Quelques images du ghetto:





Grand Bay...



welcome ina di ghetto





Les commerces et lolos qui servent à manger, ne sont pas particulièrement bien achalandés. Très peu de choix s’offrent au consommateur local qui s’approvisionne souvent directement à Roseau. Grand Bay est davantage réputée pour sa production d’herbe qui ravitaille largement les deux îles françaises voisines.

L’erreur permettant d’apprendre, nous serons désormais assez vigilants pour éviter une nouvelle fois de nous coucher le ventre vide.

Le voyage avait donc pris un tour particulier et nous n’allions pas remettre en cause l’état d’esprit dans lequel nous étions. Le projet de rando au Boiling Lake est abandonné au profit d’une nouvelle grasse mat (et oui se lever trois fois par semaine à 5h30 n’est pas encore tout à fait naturel pour moi). On parvient toutefois à aller visiter la cote sud de l’île mais ce sera bien la seule exception faite.








Nos soirées se passent sur Roseau. Nous allons plusieurs fois au Festival à deux east carribean dollars. L’ambiance est au rendez-vous, et le jump-up (style musical dominicais, mélange de rythmes caribéens rapides aux accents latinos et de toast rappelant le ragga) détrône la musique jamaïcaine. La foule est très mélangée, les enfants étant presque aussi nombreux que les adultes.


Ce premier festival annonce le « grand festival », mais n’est en rien comparable puisque les concerts se terminent vers 20h alors que le second dure toute la nuit. La différence est aussi liée au prix du billet. Le premier ne coûte que 50 centimes d’euro alors que le billet du second vaut 80 fois plus. Or les salaires ici sont très bas. Le revenu moyen est de 300 euros et celui d’un ministre ne dépasse pas 700 euros. Pourtant, les Dominicais se rendent en masse au Festival, véritable institution dans le pays. Cette édition 2008 est marquée par la célébration des trente ans de l’indépendance. L’événement culturel rassemblant des artistes de toute la Caraïbe revêt donc des allures de fête nationale. Contrairement à nos fêtes paillardes ambiance saucisses-frites, ici on retrouve plutôt concerts de jump-up ou dancehalls improvisés dans n’importe quel endroit comme ces épiceries équipées de matos permettant de faire un sound-system.









créole in the park


Nous n’avons pas testé « le festival des musiques créoles » car on rentrait le deuxième jour de ce dernier et le programme du premier soir ne nous a pas convaincus. On en a profité pour faire une petite entorse à l’ambiance de notre semaine puisque nous avons retrouvé des potes qui étaient venus à douze sur un voilier.



Petit apéro sur le pont et virée down town. Roseau était déserte ce soir là. Les bars, souvent bondés étaient vides. Le Festival prend une partie importante de cette population d’à peine 80 000 habitants. Nous avons donc testé les rhums arrangés dans un rad rustique mais sympathique. Ceci dit, nous n’avons pas non plus testé le rhum-serpent et les autres excentricités alcooliques proposées.








Cette petite virée nous aura permis d’entrevoir quelques aspects de la vie en Dominique. L’île réserve encore beaucoup de secrets et les lieux magnifiques qui s’y trouvent restent encore largement à découvrir. On s’est donc laissé de bonnes raisons d’y retourner. Cette « little Jamaica » comme on a envie de la surnommer en la quittant, rappelle vraiment son île sœur des Grandes Antilles, la violence en moins.


Même en attendant le bus, reggae music est toujours là...



A "l'arret de bus"










lundi 10 novembre 2008

La première fois où j’ai…

Que faire un 26 août ? Si ce n’est aller à Petite-Terre. Ces deux îlets, formant un joli lagon au large de chez nous, nous tendaient les bras. Seulement pour s’y rendre, inutile de le tenter à la nage, le bateau s’impose. Seulement les offres proposées sont pour le moins peu ragoûtantes, puisque le prix est excentrique et la beaufinardise garantie. Mais nous avions un plan, un pêcheur dont le contact m’avait été filé par un pote, permettant d’arriver avant et de repartir après tout le monde.






Nous sommes donc partis avec Nico avec l’envie de passer la barrière de corail au fond du lagon… Sérieux défi, que d’aucuns (ils se reconnaîtront) nommeraient « défi Fouille ». Seulement pour y parvenir, une bonne nage nous attendait et allait nous réserver quelques surprises. Première étape, se frayer un passage entre les récifs de corail du lagon. Pas de « frontal » possible, c’est plutôt un labyrinthe peuplé par d'innombrables organismes vivants. La mission fut rude: à mesure que l’on s’approchait, le courant se renforçait nous ramenant d’où on venait. La progression était lente et crevante. A dix mètres du but, Nico me convainc d’aller se poser sur une petite plage à côté et de renoncer. Seulement, voulant se poser rapidement et profitant du courant, il se dirige vers une partie où le reef est à fleur d’eau avec des bonnes petites vagues qui éclatent. Je ne l’avais pas suivi, j’étais immobile dans l’eau en regardant le fond, quand je vois un poisson ( à cet endroit ils étaient peu nombreux en raison du courant), anormalement gros et long ! Je constate que je suis à 3 mètres au dessus d’un requin citron d’1m50. Je l’observe béat pendant 15-20 secondes avant de réaliser que je suis en position de faiblesse face à lui et décide de repartir et retrouver mon acolyte. Je sors ma tête hors de l’eau et je l’aperçois, sans masque, livide et apeuré. J’ai vite compris qu’il avait été goûté par le requin et que ce dernier devait s’intéresser à moi. Mais il n’en fut rien, Nico venait « juste » de se prendre une bonne vague, avait manqué de peu de se frotter au corail et avait perdu son masque. On a conclu cette tentative par un retour rapide sur la playa pour se remettre de nos émotions…



La barrière de corail se situe au niveau des vagues au loin...


Cette plage si agréable aux allures d’île vierge, voit son calme régulièrement troublé en période touristique par 3 ou 4 bateaux déposant leurs flux de touristes (en nombre limité cependant). Étant les premiers sur le site, on les a vu débouler et s’installer en nous délogeant de notre premier squat. L’ambiance a tourné au vinaigre, lorsqu’ils ont fait péter leur zouk et que l’un des « animateurs » s’est senti obligé d’attraper un iguane pour divertir ses clients en mal d’exotisme. Lorsqu’ils ont quitté les lieux, ces derniers ont oublié de ramasser les sacs contenant leurs déchets. Le comble de cette histoire, c’est que c’est nous qui avons été la cible d’un responsable du site travaillant pour l’ONF. Cette dame, si honorable soit-elle, n’avait pas fait le moindre effort pour surveiller le site exposé à ces quatre groupes d’une vingtaine de personnes. Elle s’est tout de même permis de nous reprocher d’être venu avec un pêcheur et a même menacé celui-ci d’une plainte et de poursuites. Mais au fait, pour qui est censé travailler une personne rémunérée par l’ONF ? Est-ce pour l’office nationale des forets comme le nom le précise ou doit-elle veiller au respect du monopole instauré par les compagnies détenant le business ? Je vous laisse vous faire votre propre opinion mais je reste circonspect quant à l’utilité de la présence de cette dame sur Petite-Terre...






Tout cela ne nous a cependant pas empêché de kiffer notre journée. J’ai eu la chance de voir le même jour (chose exceptionnelle), un requin, une tortue, une raie avec une roussette et des dizaines de poissons multicolores. Excusez toutefois l’absence d’images, l’appareil ayant été fortement endommagé suite à l’attaque du requin…